Bien, je n'ai jamais dit que je voulais prendre les armes contre les mécréants; j'ai de tout temps privilégié les solutions pacifiques aux conflits. Daesh est un groupe qui suscite des émotions extrêmes: soit on est catégoriquement contre eux, soit on les adoube sur tout. Pour ma part, je suis plus nuancé, et, selon la méthode cartésienne, j'arrête mes jugements aux idées claires et distinctes. De là où nous sommes, nous ne pouvons trancher avec certitude dans tout ce qui constitue cet imbroglio oriental. Daesh est né en réaction à un contexte particulier: les guerres de l'Occident, en sus de l'occidentalisation. C'est une réaction qui n'est pas sans rappeler celle de Torquemada, à la fin du Moyen Âge: ce Grand Inquisiteur reprochait aux chrétiens leur complaisance, par la voie du commerce, d'avec les musulmans; son Inquisition n'épargna personne.
Je ne m'évertuerai pas à tenter de vous persuader les vérités qui concernent Daesh et les enjeux des différentes politiques; car vous n'êtes pas prêts à recevoir mon discours faute de génie, entre autres. Le marquis de Vauvenargues écrivait au sujet du génie: "Je crois qu'il se forme du concours de beaucoup de différentes qualités, et des convenances secrètes de nos inclinations avec nos lumières. Lorsque quelqu'une des conditions nécessaires manque, le génie n'est point ou n'est qu'imparfait: et on lui conteste son nom." Il dit plus loin: "C'est la nécessité de ce concours de tant de qualités indépendantes les unes des autres, qui fait apparemment que le génie est toujours si rare." A cela j'ajouterai des problèmes extérieurs, tels que la corruption du goût et des mœurs, qui ne favorisent pas l'émergence du génie.
Quand je vois les débats télévisés, auxquels des personnes influentes sont conviées, je constate à quel point l'homme est vitrifié dans l'ignorance, et combien l'urgence de sauver l'humanité est grande. Dans ce monde surpeuplé, je ressens tout le poids de la solitude. Personne ne m'a jamais gratifié du plaisir continu d'une belle conversation: il faut toujours que la raison plie sous la folie. Heureusement qu'il me reste une littérature d'hommes de mérite pour me consoler de leur absence.